L’intelligence artificielle générative s’invite désormais dans les entreprises, les médias, la création artistique et même le codage. On lui confie nos idées, nos contenus, parfois même nos fichiers les plus sensibles. Mais savons-nous vraiment ce que ces IA font en retour ?
Derrière leur facilité d’usage se cachent des risques juridiques, techniques et éthiques souvent ignorés.
Voici une analyse claire et synthétique des principaux risques associés à l’usage de ChatGPT, Google Gemini, Microsoft Copilot, Mistral ou DeepSeek — regroupés selon leurs comportements et conditions d’utilisation similaires.
Dans le cadre de vos projets, nous vous recommandons de demander à vos juristes ou avocats d’analyser ces CGUs pour évaluer ce qui s’applique à votre activité.
1. Suspension ou bannissement : l’usage a des limites
Toutes les IA génératives imposent des garde-fous. Certains usages sont interdits ou restreints : politique, santé, sécurité, violence, etc. Les fournisseurs se réservent le droit de suspendre un compte si un usage est jugé contraire à leurs conditions.
La liste des usages interdits est longue et parfois vague. Votre compte peut donc être suspendu sans que vous vous y attendiez. Vos moyens de recours sont quant à eux limités, incertains et peuvent prendre du temps.
Notre recommandation :
Si vous développez une offre basée sur une IA, ou si vous intégrez un LLM dans votre système d’information, assurez-vous de pouvoir contractualiser les usages ou, à défaut, de changer facilement de fournisseur.
2. Propriété intellectuelle : le contenu vous appartient… jusqu’à un certain point
Les modèles génératifs ne créent pas à partir de rien : ils produisent des réponses statistiques, souvent similaires d’un utilisateur à l’autre. La technologie ne permet pas d’assurer que le contenu généré n’a pas déjà été produit pour un autre utilisateur, ni qu’il ne le sera pas dans le futur.
Résultat : les contenus générés sont non exclusifs, réplicables, parfois assimilés à de l’open source sans en être vraiment.
Vous n’obtenez aucun droit exclusif sur les contenus générés; et vous êtes responsable en cas de violation de droits tiers.
Notre recommandation :
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Si le contenu est stratégique (code, produit, business model), ne l’utilisez pas tel quel.
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Pour un service automatisé : alignez vos CGU sur celles du LLM utilisé pour reporter la responsabilité sur l’utilisateur.
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Pour un usage interne : revoyez, adaptez et validez manuellement tout contenu produit avant diffusion, comme s’il s’agissait d’un contenu que vous aviez écrit vous-même.
3. Juridiction et hébergement : qui contrôle réellement vos données ?
La localisation du fournisseur et de l’hébergement influence les lois qui s’appliquent au contrat vous liant au fournisseur d’IA, à la protection de vos données, en cas de litige commercial ou de demande d’accès par un Etat.
IA |
Juridiction |
Hébergement |
ChatGPT, Gemini, Copilot |
États-Unis (contrat B2B) |
Cloud US par défaut, options EU payantes |
Mistral |
France |
Partiellement France, parfois US |
DeepSeek |
Chine |
Non précisé |
Le Cloud Act autorise les autorités américaines à demander l’accès à vos données, même si elles sont hébergées hors des États-Unis, dès lors qu’elles sont stockées par un fournisseur soumis à la juridiction américaine.
À l’inverse, pour une entreprise française, la possibilité d’exercer un recours juridique sera généralement plus simple avec un acteur comme Mistral, soumis au droit français.
4. Vos prompts peuvent servir à entraîner les modèles
Ce que vous écrivez dans un prompt peut être stocké et utilisé pour entraîner les futurs modèles, sauf si vous vous y opposez (et ce n’est pas toujours possible).
IA |
Données utilisées pour l’entraînement |
Option de refus |
ChatGPT |
Oui (par défaut) |
Case à cocher dans les paramètres |
Gemini, Copilot, Mistral |
Oui |
Refus réservé aux utilisateurs payants et aux offres entreprises |
DeepSeek |
Oui |
Aucune garantie, recours par mail générique |
Notre recommandation :
À ce jour, ChatGPT est le seul fournisseur à offrir à ses utilisateurs — y compris en version gratuite — la possibilité d’exclure leurs prompts de l’entraînement des modèles.
5. Vos fichiers cloud peuvent aussi être analysés
Les intégrations IA dans Google Workspace, Microsoft 365 ou toutes les plateformes SAAS donnent un accès direct aux contenus de vos drives, calendriers, emails, documents ou données internes...
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Google / Gemini : accès à Drive, Gmail, Docs (si activé)
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Microsoft / Copilot : accès à OneDrive, SharePoint, calendrier
L’ensemble de vos outils cloud — ERP, CRM, logiciels de comptabilité, etc. — peuvent exposer vos données aux risques liés à l’IA, même s’ils ne proposent pas de fonctionnalités d’assistance. Certains fournisseurs peuvent en effet analyser, voire anonymiser vos données, pour les utiliser dans l’entraînement de leurs modèles.
Notre recommandation :
Passez en revue les CGU de vos outils cloud et SaaS. Désactivez les options d’analyse ou d’entraînement en fonction de la sensibilité de vos données.
6. Des CGU qui évoluent sans prévenir
Les conditions d’utilisation changent régulièrement, sans alerte personnalisée. Ce qui était interdit hier peut être autorisé demain — et inversement. Les tarifs aussi peuvent évoluer sans préavis.
Notre recommandation :
Préparez une clause de sortie dans vos contrats et limitez les dépendances techniques à un seul fournisseur. Prévoyez également des alternatives (open source, API propriétaires, déploiements internes).
Conclusion
L’IA générative bouscule nos pratiques. Mais elle remet aussi en question les frontières entre propriété, confidentialité, sécurité et fiabilité. Pour en tirer parti sans mettre votre entreprise en danger, voici quelques principes simples :
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Cartographiez vos données sensibles : certaines ne doivent jamais être envoyées dans un prompt ni hébergées dans le cloud.
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Ne surestimez pas la propriété de ce que vous générez : vous n’êtes pas seul à avoir obtenu cette réponse.
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Mettez en place un contrôle qualité : les IA peuvent générer des contenus faux, biaisés, ou obsolètes.
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Restez attentif aux évolutions des CGU : elles changent souvent sans notification directe.
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Ne limitez pas votre réflexion IA aux seuls assistants IA (chatgpt, etc.) : tous les fournisseurs de logiciels et SAAS vont progressivement s’engager dans cette voie. La course à la donnée d’entraînement ne fait que commencer !
Choisir une IA, c’est conclure un contrat implicite : vous profitez de la qualité et de la rapidité des contenus générés, mais vous acceptez aussi des risques bien réels — fuite de données confidentielles via les prompts, résultats non vérifiés, dépendance technologique accrue. Autant en connaître les règles avant de valider la première requête.